ÉPISODE 1 : PARIS

Débuts des années 2000. Je passe le jour à l’agence à concevoir des campagnes de communication et publicité dans les secteurs aussi variés que le prêt-à-porter, les cosmétiques, les parfums, l’industrie lourde, les transports, la finance… et je passe les soirées dans les studios d’enregistrements ou répétitions, les plateaux de TV, les concerts avec Jean-Louis Aubert, puis avec Raphaël, Pierre Guimard, Aurélie Saada (Mayanne, Brigitte…), Manu Lanvin… Puis des tournées, des tournages de clips, des rendez-vous chez Virgin EMI Warner… Je découvre, en immersion complète, le monde et le fonctionnement de l’industrie du disque et du showbizz, mais ne pense toujours pas à me lancer moi-même en tant qu’auteur-compositeur-chanteur. Je fais ça en amateur en ça me convient très bien. Jusqu’au jour où…

Ma première fille vient au monde et sa naissance me fait plus que jamais réaliser à quel point la vie est aussi magnifique que miraculeuse. Je me dis que je ne pourrais jamais contribuer à créer quelque chose de plus beau que cet enfant, sinon un autre enfant. Et certainement pas dans la “publicité”. Et un jour, je me retrouve à concevoir des campagnes de pub pour un rouge à lèvres bon marché. Je réalise que je contribue à faire croire à des jeunes filles, ce que deviendra bientôt ma propre fille, qu’elles sont plus belle avec cette merde sur les lèvres. Une merde fabriquée par tonnes dans des pays où les gens sont exploités, rapatriée par des porte-containers hyper polluants pour aller achalander tous les Monoprix et autres distributeurs de merdes de France et d’ailleurs. Je suis surpayé pour faire ça, un truc abrutissant, inutile, mensonger, superficiel. Je voulais être médecin sans frontière, explorateur, astronaute, j’ai trente deux ans et je suis un imbécile talentueux dans un monde artificiel où coule le champagne et règne la débilité. La guitare m’appelle. Changement de cap.

J’écris mes premières chansons et je me retrouve confronté à un nombre incalculable de problèmes :
1- mon niveau d’exigence et à mille années-lumières au dessus de mon niveau de compétences,
2- je ne sais pas chanter, ce qui est plus qu’handicapant quand on écrit des chansons et qu’on aime les grandes voix.
3- je ne joue que médiocrement de la guitare.
4- j’ai tous les défauts de l’amateur.
5- Je ne supporte pas ce que j’entends quand j’écoute les enregistrements : ma voix, le son, la production…
6- Des mecs et des nanas qui écrivent des super chansons, chantent super bien, jouent super bien de la guitare ou du piano, il y en a des camions dans Paris, sans parler du reste du monde. On ne m’attend pas.
7- je veux écrire en anglais, parce que je n’écoute que de la pop-folk-rock alternative anglo-saxonne, mais mon anglais est celui d’un publicitaire/développeur web, peu utile quand il s’agit d’écrire des chansons.
8- Je suis persuadé que je vais intéresser un label qui voudra me développer, mais j’arrive au début de la crise du disque et les labels font de moins en moins de développement.
9- j’ai besoin de musiciens Et si j’ai accès aux musiciens de Jean-Louis en tant qu’amis, ils ne sont pas près de venir perdre leur temps à travailler avec un amateur laborieux. Je dois trouver des musiciens, ailleurs… où, comment ? JE N’EN SAIS RIEN.
10- J’ai vendu mon agence de pub pour financer tout ça mais la vente capote. Bref, ce n’est pas gagné. Heureusement, un de mes meilleurs amis, musicien talentueux et ingénieur du son très ingénieux, décide de monter de Lille à Paris et me vient en aide, sans compter ses heures. Je ne remercierai jamais assez Antoine Delecroix, aka Beatman.

En septembre 2005, je quitte mon quartier du 18ème pour le 11ème. J’emmènage en colocation avec Dylan Mc Neil, réalisateur de cinéma, alors propriétaire et occupant d’un appartement délirant de 240m2 où il m’octroit comme un appart’ dans l’appart’. Nous sommes Cour de l’Ours, rue du Faubourg Saint Antoine, et il y a une vie de dingue dans cette cour. J’y rencontre Gaëtan Roussel qui fait partie des habitants. Très vite, un lien d’amitié se crée entre lui et moi, et on se retrouve presque chaque jour chez lui ou chez moi pour papoter, écouter des trucs, jouer de la guitare. Je rencontre assez rapidement Arnaud, violoniste de Louise Attaque, qui vit aussi sur le Faubourg Saint Antoine. De nombreux artistes amis de Dylan passent régulièrement par l’appart’, et presque chaque soir on improvise des dîners suivis de chansons ou projections de films. C’est comme ça qu’un soir je rencontre Xavier Polycarpe, son frère Vincent, leur “cousin” Mathieu Parnaud. On se met à jouer ensemble, je suis évidemment le plus mauvais guitariste et chanteur de la bande, mais je leur propose de venir enregistrer mon premier album avec moi et mon ami Antoine Delecroix (aka Beatman) dans cet appartement. Ils acceptent avec plaisir. En avril 2006, nous rassemblons tout le matériel dont chacun dispose, nous montons un studio dans l’appart’ et enregistrons en live pendant deux semaines. Gaëtan et Arnaud nous ont rejoint sur un titre (La neige à Noël). Avec Beatman, nous avons ensuite passé des heures à mixer les prises. Moi j’ai commencé à apprendre à chanter en enregistrant et réenregistrant ma voix. Ainsi est né “Le Francais”, mon premier album, qui connaîtra un petit succès à Paris. Dans mon bled quoi.


SAISON 1, ÉPISODE 2 :

Xavier, Vincent et Mathieu ont pris ensuite les commandes de leur propre navire, et avec Yann Goro ils ont monté le groupe “Gush” ( découvrir Gush ICI ). Pour ma part il me fallait trouver des musiciens pour défendre les chansons sur scène. Le premier à me rejoindre, et qui est resté quelques années membres d’équipages, fût Jérôme Allaguillemette, dit Jay, bassiste. Beatman a eu envie de jouer une seconde guitare. Puis, je ne sais plus comment, sont arrivés Alban Aupert à la batterie et Agnès Godeau au… violon ! Je n’avais pas du tout prévu un violon acoustique sur scène, mais comme Arnaud Samuel (Louise Ataque, Tarmac) en avait couché un sur un des titres de l’album, on s’est dit “Pourquoi pas sur tous les morceaux, avec des effets ça pourrait être mieux qu’un synthé”. Et nous voilà partis, en tournée, dans Paris. “La Dame de Canton”, “L’OPA” (ancien nom du “Supersonic”), “La Scène Bastille”, “Le Blues Café” (péniche amarrée à Bercy), “Le Klub”, “L’International”et tant d’autres. Quelques passages radio, et quelques dates en province, des concerts privés, on a plutôt bien géré. Marc Thonon, fondateur du Label Atmosphérique qui a découvert signé et propulsé “Louise Attaque”, s’est intéressé à moi. Mais finalement je n’ai rien signé, parce que d’une part le vent tournait pour l’industrie du disque et moi j’étais déjà sur Myspace et me je voyais plutôt me développer comme ça, par la gratuité sur le web et faire des concerts partout dans le monde. Et parce que de toute façon Atmosphérique s’est trouvé en difficultés… Marc Thonon a fini par vendre le catalogue à Universal. Peu importait, moi de toute façon je voulais écrire en anglais et partir à Londres.

Puis je me suis dit qu’il était de temps de repartir en studio, mais cette fois en travaillant dans un espace-temps ultra réduit : 5 jours pour écrire et enregistrer 5 titres. Jay, Alban, Beatman et moi nous sommes enfermés dans la BeatCave de Beatman 108 Boulevard de Ménilmontant, adresse qui a donné le nom à l’EP enregistré à l’arrache. C’est à ce moment que je commence à jouer en open. Open de E, en l’occurence. Le dernier jour de studio, on organise un concert de “fin de résidence” dans le resto où on allait déjeuner, le “Petit Bateau” (aujourd’hui “Le Popine”), notre rade au-dessus du studio, étant trop petit. Le resto était blindé, le patron ravi, le concert bien chouette, et on a même eu la surprise de voir débarquer Gaëtan (Roussel) avec… Un américain. “Your sound’s great man, love it”, me dit l’Américain en inspectant ma vieille Gretsch et mon vieil AC30. “Thanks man, where’re you from ?” répondais-je, formule classique de présentation. “New York City, my name’s Mark” – “Delighted to meet you Mark, my name’s Erik” – “Nice to meet you Erik” (shaking hands). Cétait ma première rencontre avec Mark Plati, venu de New York avec Gaëtan (qui avait fait un aller-retour) pour travailler sur l’album “Bleu Pétrole” d’Alain Bashung, dont Gaëtan assurait la réalisation.


SAISON 1, ÉPISODE 3 :

Ok. J’ai écrit, composé, enregistré des démos, enregistré un premier album suivi d’un EP, joué les titres sur scène avec un chouette groupe… Mais je ne suis toujours pas satisfait de ce que je fais, ce que j’entends quand j’écoute les enregistrements. Pourtant les musiciens et Beatman donnent le meilleur. Le problème ne vient donc pas d’eux mais de moi, qui ne sait pas bien expliquer ou décrire ces musiques qui m’envahissent la tête, et encore moins comment les faire exister. Mon niveau de maturité d’auteur-compositeur-interprête-producteur est passé de l’enfance à l’adolescence. J’avance, mais je ne suis toujours pas arrivé au premier stade : celui qui me fera assumer pleinement ce que je fais, notamment et surtout sur scène. Mais j’avance. Et je sens qu’il va falloir attaquer la pente raide, mettre les gaz. Sur les titres de l’EP, j’ai commencé à accorder ma guitare en open de E. Je pense, parce que je l’entends, que c’est la voie.

Nous sommes fin 2008. Ma deuxième fille vient au monde, 10 ans après la première. À cette époque, je travaille encore en tant que stratège en communication, directeur de création et graphic designer-photographe-web developper. Pour un seul client : une entreprise familiale de meunerie de Seine et Marne qui fabrique de la farine avec le blé cultivé localement pour 500 artisans-boulangers indépendants de Paris-RP. Je travaille en direct avec un jeune chef d’entreprise et son frère, 4ème génération à “conduire” le moulin avec 50 salariés. Ces jeunes dirigeants sont passés par tous les postes, et ont ainsi le respect des employés les plus anciens. Je mets mes compétences au service d’un environnement socio-économique et socio-écologique qui me semble juste et proportionné. Bizarrement, le moulin en question s’appelle “Bourgeois”, alors que je viens d’en finir avec les maquillages “Bourjois”. Synchronicité, aurait dit Philippe Guillemant à l’époque… Philippe, physicien que je ne connaissais pas, dont je ne connaissais pas les travaux, mais que je rencontrerai un peu plus tard, dans 13 ans.

Debut 2009, je rencontre Ouali dans le bar de son oncle des Grands Boulevards : l’Amsterdam. Ouali est kabylle. À cette époque, les bistrots “d’Auvergnats” sont peu à peu tous rachetés par les Chinois quand ils font débit de tabac et par les Kabylles quand ils sont simples bistrots. En papotant, Ouali comprend que je suis “dans” la musique et me dit qu’il reprend un bar du 19ème qui possède une petite salle de concert, pour environ 200 personnes. Ce sera à partir de septembre. Il me demande si je peux gérer la programmation de concerts. Moi qui ai en tête de créer un lieu original de musique live dans Paris, je saisis l’occasion. Avec mes amis et la contribution de nombreux talents (dont surtout Guilhem Cassagnes venu de Rennes, fondateur du Festival Top of The Folk), nous créons la première salle de concert Folk-Rock-Électro dans le rade “L’Espace B”, rue Barbanègre. On organise 2 à 4 concerts par soir, gratuits ou au chapeau, 5 soirs par semaine. Et que de la qualité venue d’un peu partout (UK, USA, France, Espagne, Allemagne…) : “The Leisure Society”, “Neon Indian”, “François & The Atlas Mountain”, “Rover”, Au passage, je m’y installe en résidence créative avec Jay et un nouveau batteur-percussionniste : Jim Yu. On bosse la programmation, on est sur le pont chaque soir pour la technique et l’organisation des concerts, et commence à bosser de nouveaux titres quelques heures par semaine.

Mais quelques quatre mois après l’ouverture, alors que la réputation s’installait, alors que des magazines comme les “Inrocks” ou “le Nouvel Obs” faisient des papiers élogieux sur la salle et sa programmation, alors que les labels comme Wagram ou Beggars programment leus poulains chez nous, ou viennent faire leur marché, Ouali cesse de nous payer. Je compense en payant à sa place pendant 3 mois, histoire de maintenir autant que faire se peut la programmation prévue, mais je cesse de programmer de nouveaux concerts puisqu’il n’y a plus de quoi les financer, le patron étant en quelque sorte “parti avec la caisse”. En mai 2010, nous larguons les amarres. Nous décidons de mettre le cap sur Londres.

Mais sur la route je croise Soraya en février 2010. Nous tombons amoureux instantanément et nous nous marions trois mois plus tard, à la mairie de Puteaux (ville où elle réside avec ses deux filles). Nous organisons à l’Espace B une fêtes aux allures de tripot des années 20 mêlées à un esprit complètement tzigane. Les obligations familiales de Soraya ajoutées aux miennes rendent difficile un transfert total à Londres; nous avons besoin de temps pour nous organiser. Jim Yu de son côté est aussi engagé dans des projets qu’il ne peut abandonner du jour au lendemain. C’est donc Jay qui partira le premier et pour de bon. Nous considérons qu’il nous permet d’ouvrir la voie. Dès lors, nous faisons régulièrment des allers et retours Paris-Londres. Soraya s’implique dans la vie du groupe en tant que photographe et vidéaste. Elle active également tout son réseau parisien pour exposer notre musique. Au passage, lors d’une interview, le journaliste se trompe et nomme systématiquement le groupe “La Française” et non “Le Français”. Aucun de nous, Jim Yu, Jay, Soraya ou moi, ne le contredisons. Après l’interview, on se regarde en se marrant et on se dit : “La Française”, c’est tellement mieux que “Le Français” !!!


SAISON 2, ÉPISODE 1 : PARIS, LONDRES, GLASGOW, SWANSEA, DUBLIN

Septembre 2010, peu avant le départ de Jay pour Londres et le départ de Jim Yu du groupe, nous nous retrouvons aux Studios Omega de Suresnes pour écrire, composer et enregistrer un titre à la demande de l’avocat David Koubbi, un de mes amis, qui voulait empêcher la firme Renault Automobiles de nommer leur voiture électrique “Zoé”. Pour David, Zoé, qui veut dire “vie” en grec, est un prénom féminin pour une humaine vivante, et non un nom de marque destiné à baptiser une machine pour mieux la vendre. En une journéee je compose le riff de guitare, la mélodie, Jim Yu et Jay alignent une basse et une batterie, puis j’écris les mots avec Soraya. Ainsi né “Zoé (comme elle est belle)”, chanson rendant hommage à la vie et surtout à la femme, qui porte la vie et la met au monde.

Nous retournons dans ce studio quelques semaines plus tard pour enregistrer un album-concept en une journée, entièrement en live, de façon la plus brute possible. Il s’agissait d’obtenir des photographies sonores, d’être très direct. Et puis on avait envie de surprises, comme dans la vie. Nous invitons Patrick Moriceau (Octave Noire) à improviser au piano, ainsi que Mathis Weil et Christophe Lengèle, deux adeptes de la musique concrète.
Au passage, une anecdote : le matin de l’enregistrement, je m’étais rendu à la Gare du Nord pour aller chercher ma fille aînée alors âgée de 12 ans, qui prenait le train seule. J’avais sa très jeune sœur dans les bras, âgée de 2 ans. Posé sur le quai, au niveau de la voiture où elle était placée d’après son ticket, je vois tous les voyageurs descendre, sauf ma fille Cheyenne. Je scrute le quai du regard, et vois au loin arriver ma fille accompagné d’un petit gros à casquette… un contrôleur apparemment. Il y avait d’après un problème de “faux ticket” et il voulait lui coller une amende. Tout cela était bidon, et je commence à m’énerver contre ce petit merdeux d’avoir forcé ma fille à voyager à côté de lui pour ne pas qu’elle lui échappe. Puis je nous dirige tous les trois vers la sortie en envoyant pépère se faire foutre et sans prêter attention à injonctions. “Je suis assermenté, j’ai autant de pouvoir que la police”, hurlait-il. Mais quelques pas avant la sortie, nous voilà, mes deux filles et moi, cernés par quatre flics mains, sur leurs armes. Ils nous ont emmenés tous les trois au poste de police de la gare, où pépère était en train de faire une déposition. J’ai fait un scandale là-dedans poussé dans la colère par leurs abus coillectifs de pouvoir. J’ai refusé de signer la déposition du crevard, et l’ai menacé de lui péter la gueule en sortant. Les agents se rendaient bien compte que j’avais raison, et me demandaient de me calmer, pour donner l’exemple à mes filles. “C’est ce que je fais, je leur montre l’exemple : on ne doit pas se laisser faire par un salopard sous prétexte qu’il a un uniforme qui lui donnerait, d’après lui, du pouvoir”. Bref, ils ont sorti le petit gros à képi 15 minutes avant nous pour le laisser se planquer, puis nous ont laissé sortir. Nous sommes allés au studio où tout le monde m’attendait. J’ai installé mon matériel, et commencé à enregistrer avec Jim et Jay, live, dans la rage.
Ainsi né “AUDIOGRAPHY#1”, un album brut, expérimental, pressé au format double-vinyle, qualifié de “french cool atmospheric punk” par les Américains de la côte ouest, qui l’ont découvert, en ont vendu quelques centaines, et qui l’ont diffusé en radio indé pendant quelques mois.

"AUDIOGRAPHY#1", le double vinyle bleu !

Puis Jay part à Londres. Il arpente les clubs où on pourrait jouer. Jim Yu et moi, accompagnés de Soraya, le rejoignons le plus souvent possible.
C’est une époque où nous sommes tous les trois influencés par le courant post-rock, notamment et surtout par le groupe islandais Sigur Ròs. Notre style, toujours très ancré dans le rock indé et alternatif, explore volontiers des parties instrumentales progressives. Mais moi je reste attaché au format “chanson”. Mon problème est que je suis persuadé que nous n’avons pas assez de titres en anglais pour jouer devant un public anglophone. Je découvrirai bien plus tard que j’avais tord, parce qu’en Angleterre, en Irlande, en Écosse, au Pays de Galle, et même aux États-Unis, ils se moquent bien de comprendre les paroles des chansons, du moment que la musique est bonne. J’ai même découvert, pendant mes tournées solo en Angleterre, que mes amis anglais ne comprennent pas toutes les paroles des titres anglophones dont ils sont fans. Ils comprennent mal U2 par exemple, ou Kings of Leon, Maroon 5, Imagine Dragons. Je leur ai même fait écouter du Louise Attaque et ils ont adoré, avant de leur jouer mes chansons en français qu’ils me réclament maintenant entre deux titres en anglais. Mais moi, à cette époque qui démarre en 2011, je veux absolument écrire et chanter en anglais. Tout simplement parce que pour moi, et c’est une évidence, l’anglais est la langue du rock et de la pop-rock. Alors plutôt que de chercher absolument à jouer, je me mets à explorer, écouter, lire des auteurs anglais, irlandais, américains dans leurs versions originales. Je vais dans les clubs de Londres écouter des groupes de punk, rock, pop-rock. Et j’écris et compose des nouveaux titres, jusqu’au moment où je me dis qu’il nous faudrait enregistrer un nouvel album.
Juin 2012, je choisis d’aller enregistrer dans les studios Windmill Lane à Dublin, plutôt qu’à Londres. J’avoue que je fantasmais un peu sur ce studio parce que U2, David Bowie, The Rolling Stones, Elvis Costello, The Cranberries, Glen Hansard… y avaient énormément enregistré, et parce qu’il était devenu la propriété de Van Morrison. Et puis je voulais découvrir Dublin et l’Irlande, que je ne connaissais pas. Étant un “unsigned band”, nous pouvions en plus bénéficier d’un tarif ultra abordable (encore une spécificité des anglo-saxons, le soutien aux artistes émergents ou indépendants, par des conditions financières accessibles). Les dates se calent, la production se met en place, Soraya nous trouve même un concert à donner au Mercantile, via l’Alliance Française. Juste un petit problème : Jim Yu est tombé amoureux et refuse de quitter Paris. En revanche il décide de quitter le groupe. À deux semaines de la session, nous n’avons plus de batteur. Je précise au passage que c’est moi, avec la société La Compagnie Générale de Rock que j’avais montée à l’epoque, qui finance tout. Y compris les conséquences des décisions des membres de l’équipe, ou leurs “rattages d’avion” (Ça c’est pour Jay). Il me faut donc trouver un batteur. Je propose l’aventure à Junior Rodriguez, qui accepte volontiers. J’embarque aussi mon ami Olivier de La Celle (Le Baron) et son ami ingénieur du son Acid Jezz. Soraya et Louise Découflé sont du voyage, en tant que photographes.
Windmill Lane, voilà La Française !


Le dernier jour, on donne un concert au Mercantile, un club “Sport & Live Music” assez chouette. Pas grand monde dans la salle, et pour cause : nous sommes côté “musique”, et il y a un match retransmis côté “sport”. Mais… le match s’achève et tout le monde débarque pour la deuxième moitié du show ! On enregistre le live, encore une fois très sauvage. On en fait un EP-souvenir.

Et puis, va comprendre… Oli me prend en grippe sans que je sache pourquoi, son ami Acid Jezz pique un disque dur contenant tous les enregistrements et me fait du chantage au fric, Jay a rejoint Crash Island, un groupe londonien et délaisse La Française, côté vie privée avec Soraya, et la famille recomposée, c’est un enfer … bref, les titres ne sortent pas et le groupe, disloqué, ne joue pas. Je suis loin de l’harmonie qu’il y avait avec Xavier et Vincent Polycarpe, Beatman, Tiouze… Quand c’est comme ça, il n’y a rien d’autre à faire qu’avancer.